Hephata a interviewé Bruno Lestrat, président de l’Association pour la protection du patrimoine de l’Aisne méridionale.
La chose importante à retenir dans cet article :
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La préservation du patrimoine ? HEUREUSEMENT ! Participer à la restauration du monument ? HEUREUSEMENT ! Promouvoir le savoir-faire local ancestral ? Ce n’est pas réservé au château de Guédelon ! Pour beaucoup, cette combinaison de patrimoine et de savoir-faire est devenue une action prioritaire. Quelques clés pour commencer. L’Association pour la protection du patrimoine de l’Aisne Sud intervient dans la conservation et l’animation de deux monuments classés : le château et l’église de Berzy-le-Sec, dans l’Aisne. Il s’agit d’une action de « conservation du patrimoine » à travers l’organisation de projets volontaires internationaux. Le projet a débuté en 1998 et l’Association célèbre son 20e anniversaire.
Bruno Lestrat, président de l’ASPM, explique comment le château et l’église servent de support à la transmission du savoir-faire et à la préservation d’un patrimoine médiéval.
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En préambule
La restauration du château et de la chapelle permet de valoriser et de transmettre le savoir-faire technique et traditionnel de la période médiévale.
La transmission de l’artisanat favorise le contact entre la matière et le geste. L’intervention de machines mécanisées n’est pas souhaitée, pour rester en ligne avec le monument, par exemple couper la pierre à la main, couper le bois avec une hache pour le cadre.
L’association va jusqu’à produire sur le chantier les matériaux nécessaires à la conservation du monument. Par exemple, le toit de la chapelle est en cours de restauration et pour retrouver le panneau de couleur qui a disparu des tuiles, ils sont fabriqués à la main et cuits au bois dans un four à bois. Conçu pour l’occasion.
Comment se déroule la restauration du château ? Quelles sont les différentes étapes ?
Plusieurs étapes s’imposent pour restaurer un beau patrimoine :
1ère étape
Établir un lien juridique entre l’association et le propriétaire sous la forme d’un accord, d’un bail… En effet, l’association n’est pas propriétaire du monument et il est nécessaire de conclure un ou plusieurs contrats pour garantir l’exploitation et définir le rôle de chacun.
2e étape
Si l’intervention concerne un monument protégé (classé HD ou inscrit), certaines règles doivent être respectées, notamment la réalisation d’études afin de définir un projet de programme de travail à réaliser pour la restauration : soit Une étude avant restauration, c’est-à-dire un diagnostic, une analyse du problème trouvé dans le monument, ou Une étude archéologique et historique du château.
3e étape
Connaissant les « maux » établis, il faut donner la priorité à l’intervention et aux techniques qui seront appropriées. Tout cela en concertation avec les autorités compétentes (DRAC, Architectes des bâtiments français…) si le monument est protégé.
4e étape
Le travail déterminé, il est nécessaire d’obtenir un financement (voir comment construire un bon dossier de financement et quel financement convient à quels types de projets).
5e étape
Commençons donc le travail. Comme il s’agit d’un projet bénévole, nous avons besoin d’au moins un superviseur technique pour qu’il puisse transmettre ses connaissances, sur un savoir-faire particulier, à des personnes qui ne connaissent pas les bases.
6e étape
Établissement d’un calendrier qui inclut les différentes phases des travaux de restauration, avec un financement dédié.
Sur un chantier de construction, on peut voir de 2 à 10 métiers différents qui travaillent ensemble (forgeron, céramiste, charpentier…). Retrouvons cet échange qui a eu lieu entre artisans à l’époque médiévale !
Il est intéressant de rencontrer les mêmes problèmes qu’à l’époque, même si nous jouissons aujourd’hui de meilleures conditions de sécurité (échafaudages par exemple) et de plus de temps disponible.
Au sein de l’association, l’objectif est la conservation et la restauration du patrimoine. Nous n’avons pas les contraintes de rentabilité, ni les contraintes de maturité auxquelles les entreprises sont confrontées. La seule contrainte réelle est celle dictée par l’état du monument, les risques d’effondrement… qui peuvent également nécessiter une intervention rapide et efficace.
Comment financez-vous ce projet ?
Nous sommes un projet de volontariat international. Malgré la présence de personnes qui donnent leur temps gracieusement, nous nous sommes entourés de partenaires pour soutenir le projet, en poursuivant une politique de financement croisé. Cette stratégie nous a permis de lever des fonds pour réaliser les travaux :
- Collectivités locales : Municipalité, département et région ;
- Services publics : DRAC pour l’achat de matériel, le paiement des artisans ; la jeunesse régionale et le sport pour l’aspect animation et éducation des gens et des jeunes…Heritage Foundation pour la transmission du savoir-faire technique traditionnel lié à la préservation du patrimoine…Il s’agit d’un financement qui contribue à la préservation de ce patrimoine immatériel parfois menacé de disparition.
- Opérations de formation : nos bureaux servent également de support aux cours de formation liés aux métiers du patrimoine. Les fonds collectés contribuent à la préservation de nos monuments.
- Abonnements : nous sollicitons directement le public, grâce à notre partenariat avec la Heritage Foundation.
- Participation de bénévoles : ces derniers paient les frais d’inscription à l’association, dont le montant varie en fonction de la nature et de la durée du projet choisi.
Comment avez-vous convaincu les membres de l’association de vous suivre dans cette direction ?
Quel est le projet que vous leur avez proposé ?
La présentation s’est déroulée en plusieurs phases :
Dans un premier temps, la restauration a été réduite à de simples actions
Il était ouvert aux villageois et aux amis. C’était donc l’occasion de se réunir autour d’un projet commun.
Peu à peu, les interventions sont devenues plus techniques
Nous avons dû structurer nos projets, nous former et nous entourer de professionnels pour superviser certains de nos ateliers,… et le recrutement de bénévoles a augmenté en conséquence.
Ensuite, nous nous sommes attachés à l’Union Rempart
Intégrés au sein du réseau, nous avons pu communiquer l’existence de notre site et notre besoin croissant de bénévoles. Le réseau Rempart nous a permis d’attirer de nouveaux bénévoles et de bénéficier de précieux conseils !
Pour aller de l’avant, nous avons élargi le cercle de recrutement au cercle international (Brésiliens, Israéliens, Chiliens…) !
Nous avons connecté des partenariats internationaux, tels que ICOMOS Israël, toujours par le biais d’Union Rempart.
Aujourd’hui, la portée des travaux s’est élargie et s’est diversifiée
Grâce notamment à la relation de confiance qui s’est instaurée entre l’association et les services publics chargés du suivi des opérations.
Ainsi, plus notre champ d’action s’ouvre, plus les activités sont variées et elles attirent plus de bénévoles. Cette progressivité nous permet de retenir un nombre croissant de spectateurs tout en préservant l’ambiance de départ. Le nombre de personnes change régulièrement : en 2017, nous avons accueilli plus de 500 bénévoles répartis sur 65 sessions et 22 thèmes différents (bois, pierre, vitrail…).
Cependant, nous n’y travaillons pas toute l’année, car l’hiver n’est pas propice au travail. Celles-ci se déroulent du printemps à l’automne et nous profitons du reste de l’année pour rédiger nos demandes de subventions, faire nos rapports, nos budgets, nos études préliminaires, nos commandes de matériaux, nos ajustements de financement,… Il s’agit d’une phase de préparation et de recherche de superviseurs essentiels qui s’inscrit dans un mouvement perpétuel.
Quelle est votre journée type pour l’instant ?
Nous dormons tous sur place, en camping ou avec l’habitant, dans un chalet, dans une caravane…
Il y a un échange unique entre les bénévoles qui participent à la conservation de ce patrimoine et les habitants qui en profitent. L’existence de cette relation entre acteurs et spectateurs dans la préservation du patrimoine crée une véritable émulation autour de ce projet.
Avez-vous été formé pour lancer un tel projet ?
Au départ, je n’étais pas du tout formé. Grâce à mes études sur la conservation du patrimoine historique, j’ai découvert les protocoles d’intervention et la composante administrative des monuments historiques. Cependant, l’aspect pratique et technique de la restauration m’était inconnu, j’ai pu l’apprendre en participant à d’autres projets bénévoles et en travaillant avec des professionnels du patrimoine.
Grâce à ces expériences, j’ai pu assurer une meilleure supervision des sites. Cependant, rien n’est figé et l’apprentissage reste riche et tout au long de la vie. Ce qui est intéressant, c’est l’apprentissage continu du savoir-faire.
Avez-vous trouvé des archives concernant le château qui pourrait être vous aider dans la restauration ? Qui êtes-vous accompagné ?
Nous avons déjà trouvé de nombreuses archives et nous continuons de le faire. Nous avons la chance d’avoir une documentation assez riche : photographies, écrits, témoignages d’architectes ou de personnes ayant travaillé ou vécu sur place, découvertes archéologiques… La préparation d’une session « Survey & Archaeology of the Built » a permis à l’association d’élaborer des plans de monuments, de dresser des relevés « pierre par pierre » des élévations, d’obtenir des informations sur l’histoire de la construction du monument. Nous entourer de techniciens et d’historiens nous permet donc d’aborder véritablement l’histoire de ce patrimoine.
Mais maintenant, nous ne pouvons plus nous contenter d’une étude historique. Nous nous tournons vers des spécialistes des matériaux, des archéologues, des artisans… Le champ d’action doit être aussi vaste et ouvert que possible. À travers nos interventions, nous pénétrons dans l’intimité du bâtiment pour mieux apprécier les différentes techniques utilisées dans sa construction, savoir lire et interpréter les traces des instruments laissées par les « ouvriers » de toutes les époques… L’archéologie du bâtiment est aujourd’hui une source historique à part entière. L’approche de l’homme et de la matière est, à mon avis, un problème important dans l’étude d’un monument et dans l’art de le construire.
Chacun de nos ateliers, apprenant les techniques du passé, apporte également des informations très précieuses. L’archéologie expérimentale ainsi pratiquée complète nos sites de fouilles archéologiques plus traditionnels.
Au-delà de la consultation d’archives, de monographies…,les sources historiques apparaissent désormais plus riches que ce que je pouvais imaginer lors de la création de l’association.
Quelles difficultés et quelles joies avez-vous ? Une anecdote à raconter…
Les difficultés essentielles que nous rencontrons sont inhérentes : — L’accueil de 20 à 80 personnes qui vivront ensemble depuis de quelques jours à plusieurs semaines, et la fédération de toutes ces énergies autour du projet commun.
La formation des personnes qui ne sont pas dans le secteur, afin qu’elles puissent contribuer à la restauration du bâtiment.
Nous devons canaliser, unir et transmettre le savoir-faire en même temps. Mais ils répondent aussi à leurs attentes , car ils donnent leur temps : Comprendre le travail, découvrir une région, apprendre une langue… Faites tout ce qu’il faut pour qu’ils aient envie de revenir.
Bien sûr, il y a beaucoup d’anecdotes, comme un moment magnifique : un couple d’Israéliens venus en lune de miel sur le chantier.
Il y a un mélange extraordinaire de cultures ! Cela va jusqu’au partage de la gastronomie. En fait, tous les jours, des bénévoles s’occupent du repas et nous pouvons déjeuner un jour espagnol, le lendemain bourguignon, le lendemain brésilien…
Quels sont les résultats ? Combien de temps cela a-t-il pris ?
Depuis 1998, nous nous occupons de la préservation du château mais également de l’église de ce village. Actuellement, nous terminons une phase de travaux de restauration de la façade sud du château, qui combine également divers métiers (menuiserie, menuiserie, vitrail, taille de pierre, forge…).
Cette campagne a débuté il y a 4 ou 5 ans et devrait se terminer d’ici la fin de 2018-2019. Chaque phase des travaux est donc un résultat important pour la préservation de notre patrimoine, chaque étape compte.
Quels sont les avantages économiques d’un tel projet ?
Nous préférons les circuits courts : L’approvisionnement en matières premières et la nourriture locale. Une dynamique économique est alors créée et un impact local direct est établi.
Nous invitons les visiteurs à découvrir ce que nous proposons. Bien sûr, ils consomment sur place… Même si modeste, notre impact est réel, tout comme celui de faire découvrir la région aux gens. Maintenant, les gens nous contactent pour voir s’il est possible de venir, pour faire des visites guidées mais aussi pour organiser des ateliers pour enfants… Nos actions contribuent à mettre en valeur notre belle région si peu connue.
Quelles clés donneriez-vous à un propriétaire qui souhaite restaurer son château à travers des projets participatifs ?
Quelques conseils :
- Veillez à définir un cadre juridique sain , à traiter de la portée de l’intervention de chacun des acteurs (qui fait quoi et pourquoi…).
- Définir les moyens d’action, les supports à utiliser pour restaurer son monument : Soit je me tourne vers des professionnels qui factureront leur intervention, soit je crée un site de bénévolat qui permet une interaction entre le public, les artisans, l’administration, le propriétaire…
- Ne négligez pas l’importance de l’énergie à consacrer, surtout lorsque le projet revêt des dimensions importantes. Au contraire, animer et préserver un monument : c’est l’œuvre de toute une vie ! Vous devez vraiment en être conscient dès le début, car cela prend beaucoup de temps.
Une fois que les gens savent tout cela, il faut commencer !
Il est donc urgent d’agir pour sauvegarder notre patrimoine sous toutes ses formes et le transmettre aux générations futures dans les meilleures conditions possibles !
Pour aller plus loin
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